À Rome, Montaigne assiste à la présentation du voile de Véronique
« Ces jours-ci, on montre la Véronique qui est un visage ouvragé et de couleur sombre et obscure, dans un carré comme un grand miroir. Il se montre avec cérémonie du haut d’un pupitre qui a cinq ou six pas de large. Le prêtre qui le tient a les mains revêtues de gants rouges, et il y a deux ou trois prêtres qui le soutiennent. Il ne se voit rien avec si grande révérence, le peuple prosterné à terre, la plupart les larmes aux yeux, avec de ces cris de commisération. Une femme qu’on disait être spiritata, se tempêtait, voyant cette figure, criait, tendait et tordait ses bras. Ces prêtres se promenant autour de ce pupitre, la présentent au peuple, tantôt ici, tantôt là ; et à chaque mouvement ceux à qui on la présent s’écrient.
On y montre aussi en même temps et même cérémonie le fer de lance dans une bouteille de cristal. Plusieurs fois ce jour se fait cette montre, avec une assemblée de peuple si infini que jusque bien loin au-dehors de l’église, autant que la vue peut arriver à ce pupitre, c’est une extrême presse d’hommes et de femmes. C’est une vraie cour papale : la pompe de Rome et sa principale grandeur est en apparence de dévotion. Il fait beau voir l’ardeur d’un peuple si infini à la religion ces jours-là . Ils ont cent confréries et plus, et il n’est guère d’homme de qualité qui ne soit rattaché à quelqu’une. »
Michel de Montaigne, Journal de voyage
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