« Je suis au milieu de Rome comme au milieu de l’Océan… »
Se démarquant de la prose conventionnelle et terne de nombreux récits de voyage, Dupaty décrit ce qui l’entoure avec du relief et une grande vivacité.
Je suis arrivé hier au soir fort tard. Je n’ai pu fermer l’œil de la nuit. Toute la nuit cette idée allait dans mon âme : tu es à Rome. Les siècles, les empereurs, les nations, tout ce que ce vaste mot de Rome contient de grand, d’imposant, d’intéressant, d’effrayant. en sortait successivement ou à la fois, et environnait mon âme. Il me tardait que les premiers rayons du jour montrassent à mes yeux cette ancienne capitale de l’univers. Enfin je vois Rome. Je vois ce théâtre où la nature humaine a été tout ce qu’elle pourra être, a fait tout ce qu’elle pourra faire, a déployé toutes les vertus, a étalé tous les vices, a enfanté les héros les plus sublimes et les monstres les plus exécrables, s’est élevée jusqu’à Brutus, a descendu jusqu’à Néron, est remontée jusqu’à Marc Aurèle. Cet air que je respire à présent, c’est cet air que Cicéron a frappé de tant de mots éloquents ; les Césars de tant de mots puissants et terribles ;les papes, de tant de mots enchantés. Sur cette terre a donc coulé tant de sang ! Dans ces murs ont donc coulé tant de larmes ! Horace et Virgile ont récité ici leurs beaux vers ! Allons Mais où aller ?
Je suis au milieu de Rome comme au milieu de l’Océan : trois Romes, comme trois parties du monde, se présentent en même temps à mes regards ; la Rome d’Auguste, la Rome de Léon X et la Rome du pape actuel. Laquelle visiterai-je d’abord ? Elles m’appellent toutes a la fois. Où est le Capitole ? Où est le Musée de Clément XIV ? Qu’on me mène à l’arc de Titus. Que l’on m’arrête au Panthéon. Montrez-moi Sainte-Marie-Majeure. Je veux voir le tableau de la Transfiguration de Raphaël. Je ne vois pas l’Apollon du Belvédère ? Comment choisir à Rome ? Peut-on y arrêter ses regards ? Il faut que je commence par errer de côté et d’autre, pour user cette première impatience de voir qui m’empêcherait toujours de regarder. Je suis donc à Rome ! Je suis donc dans cette ville que tout l’univers regarde. Il n’y a point ici une pierre qui ne recèle une connaissance précieuse, qui ne puisse servir à bâtir l’histoire de Rome et des arts : sachez les interroger, car elles parlent. Â
Lire l’article complet : Jean-Baptiste Dupaty
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