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Le pèlerinage à la source de désordres sociaux

8 février 2023 | Publié dans Histoires de pèlerins | Écrire un commentaire
 
Pèlerin de retour réclamant sa femme remariée devant le juge - [Manuscrit du XIIIe siècle]

Au Moyen Âge, la fréquence des pèlerinages entraînait avec elle de nombreux désordres, et amenait de graves perturbations dans les affaires de famille. Il arrivait fort souvent que des pèlerins qui avaient fait à l’étranger un séjour un peu prolongé trouvassent à leur retour leur femme remariée. Le cas où l’homme se remariait pendant l’absence de sa femme se présentait plus rarement, car une femme n’osait guère sans son mari s’exposer aux dangers d’un tel voyage. Pour remédier autant que possible à ces inconvénients, le concile tenu à Rouen en 1072, rendit un décret par lequel il déclarait excommuniée, jusqu’à satisfaction suffisante, la femme qui, pendant l’absence de son mari parti pour un pèlerinage, se serait remariée avant d’avoir eu (chose fort difficile à établir à cette époque) la certitude de la mort de son premier mari.

La morale publique recevait encore d’autres atteintes de cette fréquence des pèlerinages ; et les plaintes élevées à ce sujet, qu’elles aient eu en vue les voyages à Rome, à Tours ou ailleurs, s’appliquaient parfaitement aux voyages à Jérusalem.

En effet, les pèlerins qui voulaient aller en Palestine commençaient ordinairement par visiter les lieux consacrés de leur propre pays et des lieux qu’ils traversaient : souvent même ceux qui avaient eu d’abord l’intention de se rendre seulement à Rome s’embarquaient ensuite pour l’Orient dans quelque port de l’Italie. Dans une lettre qui rappelle celle de Grégoire de Nysse, saint Boniface se plaignait amèrement, en 747, à Cuthbert, évêque de Cantorbéry, qu’on permît aux femmes et aux religieuses les fréquents voyages à Rome. « La plupart d’entre elles, disait-il, succombent, et bien peu d’entre elles reviennent avec leur chasteté. Il n’y a guère de ville en Lombardie et en Gaule où l’on ne trouve quelque Anglaise adultère ou prostituée. C’est une honte et un scandale pour toute l’Église. Â»

Le concile tenu à Châlons-sur-Saône, un an avant la mort de Charlemagne, en 813, s’élève avec force contre les abus des pèlerinages ; et l’un des canons contient le passage suivant :

« Ils se trompent grandement les hommes qui, sans réflexion et alléguant des raisons de piété, se rendent à Rome, à Tours ou ailleurs. Il est des prêtres, des diacres et d’autres membres du clergé qui vivent dans le désordre et croient se purifier de leurs fautes et s’acquitter de leurs devoirs, s’ils visitent les lieux de sainteté ; il est encore des laïques qui, en allant y prier, espèrent trouver l’impunité de leurs péchés. Il est des hommes puissants qui, prétextant un voyage à Rome ou à Tours, lèvent des tributs, amassent des richesses, oppriment les pauvres, et ce qu’ils font dans un but unique de cupidité, ils le colorent d’un motif pieux. Â»

Enfin, comme les pèlerins se recrutaient aussi parmi les vagabonds et les gens sans aveu, le même canon ajoute :

« Il est jusqu’à des pauvres qui donnent les mêmes raisons, afin de trouver plus de facilité à mendier. Il faut demander au Seigneur Empereur de remédier à ces abus. Â»

L’autorité civile, dont le pouvoir ecclésiastique réclamait l’intervention, chercha à s’opposer à ces déplacements continuels, si propres à favoriser le vagabondage, qui devait avoir tant d’attraits pour les classes inférieures d’une société constituée comme l’était celle du Moyen Âge.

M. Michaud РHistoire de la premi̬re Croisade Р1825

 
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