Premières cartes du monde
Selon Agathémère, écrivain grec du IIIe siècle après J.-C, « Anaximandre, le Milésien, disciple de Thalès, eut le premier l’audace de tracer la terre habitée sur une tablette », dessinant « le premier les contours de la terre et de la mer ».
Comment se présentait exactement cette carte ? On ne le sait, mais il n’est pas douteux qu’elle faisait la part belle à la géométrie et qu’elle devait être congruente avec la cosmologie qui concevait l’univers comme une sphère, avec la terre en équilibre en son centre. Cette carte inaugurale, plus matrice théorique que construction empirique, fut reprise et modifiée, peut-être déjà par Hécatée, successeur d’Anaximandre.
En tout cas, quand Aristagoras, le tyran de Milet, vient à Sparte en 499 pour demander l’appui des Spartiates contre les Perses, il apporte avec lui « une tablette de cuivre où étaient gravés les contours de toute la terre, toute la mer et tous les fleuves », pour « montrer » que l’opération militaire est aisée. Finalement, le roi Cléomène ne se laisse pas convaincre : il ne « marche » pas. Mais cet épisode indique qu’à l’orée du Ve siècle la carte est un objet à la fois rare et qui peut avoir cours, ou auquel on peut avoir recours en dehors des cercles savants : pour en imposer. (1)
De la vision mythique au modèle scientifique

Reconstitution de la carte d’Anaximandre
À l’espace incertain et fabuleux des navigations d’Ulysse se substitue un espace délimité, mesurable, structuré. Au modèle hésiodique de la terre recouvrant l’abîme du Tartare et dominée par le Ciel étoilé, se substitue une représentation beaucoup plus abstraite et schématique.
« La Terre, à ce qu’il prétend, a la forme d’un cylindre dont la profondeur est trois fois plus grande que la largeur » (Frg. X, Pseudo-Plutarque, Stromates, 2, trad. Dumont, La Pléiade).
« Sa forme est ronde, arrondie à la façon d’une colonne de pierre ; l’une de ses extrémités planes est la surface que nous foulons, alors que l’autre se trouve à l’extrémité opposée » (Frgt. XI, Hippolyte, Réfutations de toutes les hérésies, I. 6, trad. Dumont, La Pléiade).
Le Tartare d’Hésiode était un gouffre sans forme et sans fond. La terre d’Anaximandre est un volume géométrique au contour précis et mesurable. La grande nouveauté par rapport aux représentations mythiques du monde réside dans la possibilité de visualiser l’espace, grâce à un modèle schématique et miniaturisé — la carte, ou grâce à une métaphore, qui se prête elle aussi aisément à une matérialisation — le tronçon de colonne. Cette comparaison suggère d’ailleurs la possibilité théorique d’un monde habité aux antipodes du nôtre.
Un modèle géométrique qui n’a pas de vocation utilitaire
Cette carte ne semble pas résulter d’un ensemble d’informations recueillies auprès de voyageurs. Elle n’est pas un instrument utilitaire qui se prêterait à des usages pratiques et n’a pas pour vocation de guider des navigateurs ou des voyageurs.
Cette première carte apparaît davantage comme un modèle géométrique de la terre, réduite à quelques formes et lignes essentielles, visant à rendre intelligible sa structure. Elle semble avoir été étroitement associée à un traité Sur la Nature : plus que d’une description géographique, il s’agissait d’un traité consacré à l’étude des phénomènes astronomiques et de la « météorologie », visant à faire comprendre les principes premiers du kosmos. (2)

Ulysse et les Sirènes – par Herbert James Draper - 1909
(1) François Hartog - Mémoire d’Ulysse, Récits sur la frontière en Grèce ancienne
(2) Christian Jacob - Géographie et ethnographie en Grèce ancienne
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