Le pèlerinage à Jérusalem aux XIIe et XIIIe siècles
Le Saint-Sépulcre de Jérusalem
Tout au long du Moyen Âge, le pèlerinage aux Lieux saints constitua le pèlerinage par excellence, celui où le chrétien pouvait visiter les lieux mêmes de la Passion du Seigneur et placer ses pas dans les pas du Christ.
Le pèlerinage par excellence
Les pèlerins de Jérusalem prirent la coutume de rapporter une palme de Terre sainte. Pour cette raison, on les appelait les "Paumiers", tandis que les pèlerins de Compostelle étaient désignés sous le nom de "Jacquets" et ceux de Rome, de "Romieux". |
Dès le haut Moyen Âge, malgré les difficultés du voyage et les dangers d’un séjour en pays d’Islam, des pèlerins prirent la direction de Jérusalem. Le courant fut d’abord ténu et intermittent puis se renforça et mit en mouvement des pèlerins de plus en plus nombreux, surtout à partir de la fin du Xe siècle, moment où Jérusalem commença à prendre dans l’imagination et la spiritualité de l’Occident une place considérable.
Quelquefois, le pèlerinage était accompli comme un acte simple de piété, d’autres fois comme l’accomplissement d’un vœu fait en présence d’un grand malheur, ou comme un témoignage de gratitude pour un bienfait reçu du ciel ; encore, mais plus rarement, en expiation de quelque faute grave ou de quelque crime car, il n’était point de crime qui ne pût être expié par le voyage de Jérusalem et par des actes de dévotion au tombeau de Jésus-Christ.
Malgré des ralentissements, notamment vers 1010-1020 après la destruction du Saint-Sépulcre par le calife Al Hakim, puis entre 1040 et 1054, le flot des pèlerins ne cessa de se renforcer au cours du XIe siècle et l’on sait que la première croisade se situe dans le prolongement direct du pèlerinage, particulièrement en ce qui concerne la croisade populaire.
Après 1099, avec la constitution des états latins d’Orient et notamment du royaume de Jérusalem, le pèlerinage connut un nouvel essor, difficile cependant à mesurer quantitativement car la distinction entre croisé et pèlerin n’est pas toujours aisée à faire à cette époque.
Les itinéraires
Pour parvenir en Orient, les pèlerins de l’Europe occidentale avaient, aux XIIe et XIIIe siècles, le choix entre trois itinéraires, l’un terrestre, un autre partiellement terrestre et partiellement maritime et le troisième entièrement maritime.
L’itinéraire terrestre du Danube et des Balkans fut rendu accessible au cours du XIe siècle par la conversion au christianisme des royaumes d’Europe centrale, et notamment celle de la Hongrie. À ce propos, Raoul Glaber, moine du XIe siècle indique dans ses chroniques : « À partir de ce moment, tous les pèlerins d’Italie et des Gaules qui voulaient visiter le sépulcre du Seigneur, renoncèrent à s’y rendre par mer, comme ils avaient coutume de le faire auparavant, et passèrent par les États d’Étienne. Ce prince rendit bientôt la route très sûre. Il accueillait comme des frères tous ceux qui se présentaient, et leur faisait des présents magnifiques. Aussi des nobles et des hommes du peuple se décidérent en foule à entreprendre le pèlerinage de Jérusalem ». Après la traversée de l’Anatolie occidentale puis méridionale, les voyageurs du XIIe siècle, arrivés à Antioche, capitale d’un duché chrétien, n’avaient plus qu’à gagner tranquillement Jérusalem.
Le deuxième itinéraire était terrestre jusqu’aux grands ports méditerranéens, puis maritime à partir de là. Les grands ports d’embarquement étaient Marseille, Gênes, Pise et, plus à l’Est, Venise, Bari et Brindisi. C’était l’itinéraire le plus fréquenté et, assez vite, une organisation du voyage fut mise au point. Sur cet itinéraire, principalement contrôlé par les Vénitiens, les étapes principales étaient les îles de Corfou, du Péloponnèse, de Crète, de Rhodes et de Chypre.
À partir du XIIIe siècle, les pèlerins trouvaient des intermédiaires pour les accueillir et les mettre en rapport avec les patrons des navires. Le nombre des pèlerins était considérable car une nef ou une galère pouvait transporter plusieurs centaines de pèlerins. Le voyage n’avait lieu qu’aux beaux jours, entre le début de mars et la fin de septembre pour éviter les tempêtes de l’hiver. Si les vents étaient favorables, le trajet pouvait ne durer qu’un mois.
La troisième voie, entièrement maritime, concernait surtout les pays de Nord de l’Europe. Les pèlerins pouvaient s’embarquer dans les ports de Scandinavie, des Pays-Bas ou d’Angleterre et gagner la Méditerranée par le détroit de Gibraltar. Le voyage pouvait durer jusqu’à un an et ne fut vraiment pratiqué qu’à partir du XIIIe siècle, quand les communications maritimes entre l’Océan et la Méditerranée se généralisèrent.
Ce texte est adapté des pages relatives à l’exposition sur les croisades au couvent des Jacobins de Toulouse.
La grâce de mourir à Jérusalem
« Un nommé Liébaut, originaire de la Bourgogne, du diocèse d’Autun, qui voyageait avec les autres, arriva à Jérusalem. Après avoir contemplé ces lieux sacrés entre tous, il vint à passer par ce Mont des Oliviers ; les bras en croix, tout en larmes, il se sentit ravi en le Seigneur d’une joie intérieure indicible.
‘Seigneur Jésus, je supplie ta toute-puissante bonté de permettre que, si mon âme doit cette année émigrer de mon corps, je ne m’en aille plus d’ici ; mais que cela m’arrive en vue du lieu de ton ascension. Je crois en effet que comme je t’ai poursuivi avec mon corps en venant jusqu’ici, ainsi mon âme entrera saine et sauve et joyeuse à ta suite dans le Paradis.’
Après cette prière, il rentra avec ses compagnons à son gîte. C’était alors l’heure du repas. Mais pendant que les autres se mettaient à table, il gagna sa couche d’un air gai, comme si, sous l’effet d’un pesant sommeil, il allait prendre quelque repos ; il s’assoupit aussitôt, et l’on ne sait ce qu’il vit. Mais dès qu’il fut endormi il s’écria :
‘Gloire à toi, Dieu ! Gloire à toi, Dieu !’
Ses compagnons, l’entendant, l’engageaient à se lever et à manger avec eux. Il refusa, et en se tournant de l’autre côté, déclara qu’il ne se sentait pas bien ; il resta couché jusqu’au soir, appela ses compagnons de voyage, puis il les salua avec douceur, et rendit l’âme. »
Raoul Glaber - Chronique de pèlerins en Terre sainte
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